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Interview de Jean-Edouard Gresy : Du conflit à la confiance - L’art de négocier au service de l’expérience client

Interview de Jean-Edouard Gresy : Du conflit à la confiance - L’art de négocier au service de l’expérience client

Jean-Edouard, en tant qu'associé fondateur et praticien dans l'accompagnement des entreprises, pourriez-vous nous partager une expérience marquante où vous avez transformé un conflit client en une opportunité d'amélioration pour l'entreprise ?

Je suis médiateur et formateur sur cette expertise depuis 1999. Ce sont des milliers de situation que j'ai accompagnées et analysées avec les parties prenantes. La manière dont l'entreprise va gérer le conflit avec un client est un test. Si le client rebondit de service en service sans réactivité dans les réponses attendues, il partira et pourra entacher la réputation de l'entreprise. Inversement, j'ai réalisé plusieurs médiations par exemple dans des conflits autour de la réalisation de systèmes d'information complexes. La gestion du conflit a permis de restaurer le dialogue entre les développeurs et le client, plutôt que de se battre à coup de pénalités et de s’adapter aux imprévus, plutôt que de poursuivre un plan d’action rigide.

Quelle est selon vous la différence fondamentale entre négociation et résolution de conflits dans le contexte de l'expérience client, et pourquoi est-il crucial de maîtriser les deux ?

Un conflit peut se définir a minima comme un blocage dans une prise de décision. Sa gestion implique donc de négocier. A défaut, le conflit se transforme en litige (littéralement "matière à procès") et ce sera au juge de trancher avec les aléas que cela comporte (temps, risques...). Négocier pour régler amiablement une situation conflictuelle a non seulement la vertu d'élargir l'espace du possible dans la recherche de solutions mais aussi, et c'est essentiel, de préserver la relation, en restaurant la confiance autant que faire se peut.

En observant l'évolution des attentes des clients, quelles nouvelles compétences considérez-vous essentielles pour les professionnels souhaitant exceller dans la gestion des relations clients aujourd'hui ?

Au-delà de cette capacité à négocier et gérer les conflits qui est le socle de l'efficacité commerciale, il importe aussi d'investir dans la qualité relationnelle. Ce n'est pas une compétence nouvelle mais elle demande une vigilance de tous les instants. Depuis l'antiquité, les récits des plus grands commerçants nous montrent que créer un bon climat, l'envie de faire des affaires, n'est pas l'effet du hasard. Il s'agit aussi de donner du temps, de l'écoute, des compliments, des petites attentions, des conseils, des coups de main, des recommandations... pour que la relation soit bonne et durable. Tout cela ne se décrète pas et exige de le faire avec sincérité.

Pouvez-vous nous donner un exemple où l'application de techniques de négociation a directement conduit à l'amélioration de la satisfaction client, et quels apprentissages en avez-vous retiré ?

Les experts comme les commerciaux sont très affutés pour argumenter et chercher à convaincre. Ils n'aiment généralement pas avoir tort. Pourtant, dès que la négociation se tend, il s'agit au contraire de chercher à comprendre. Les Samouraïs disent "devenir son propre adversaire". Comment son interlocuteur voit les choses, ce qu'il ressent et ce dont il a besoin. Cela demande de la disponibilité psychique, d'accorder le bénéfice du doute, d'assumer la coresponsabilité de la situation. Pour être bon en négociation, comme le disait Marshall Rosenberg, il faut mieux chercher à être heureux (atteindre son objectif quitte à devoir tirer des bords) que de chercher à avoir raison (vouloir changer l'autre ou lui démontrer ses torts).

De votre perspective d'expert, comment les nouvelles technologies influencent-elles la dynamique des négociations et résolutions de conflits dans l'expérience client actuelle ?

Il n'y a jamais eu autant de communication et si peu de partage. Le niveau d'exigence en terme de réactivité et de disponibilité atteint des sommets. Nous gagnons du temps de transport avec les visios, du temps pour réaliser les propositions commerciales, les comptes-rendus, la prospection grâce à l'IA. Dans le même temps, l'automatisation, la plateformisation, le démarchage avec des scripts rendent fous les clients. Nous demeurerons toujours des humains qui ont besoin de se confronter, presque de se "renifler" pour se faire confiance. Le renard dit au Petit Prince que cela demande un certain temps avant de s'apprivoiser et d'apprendre à se connaître. Je crois plus que jamais à la force du présentiel, surtout au démarrage d'une relation et en cas de tensions. Plus il y a de distance dans une situation conflictuelle, plus il peut y avoir de violence.

Comment intégrez-vous la recherche sur les comportements humains et psychologiques dans vos approches de négociation et de résolution de conflits ?

Les apports sur la qualité relationnelle ont été puisés en grande partie chez Marcel Mauss, le père de l'ethnologie scientifique française. Sa grille de lecture sur le don éclaire ma pratique quotidienne. Les conflits ne peuvent pas se résumer à un problème de communication. Lorsque l’attachement affectif s’intensifie, les attentes relationnelles se densifient et les affects modulent profondément la dynamique des échanges, introduisant une vulnérabilité accrue aux micro-blessures du quotidien. Ce phénomène explique pourquoi l’intervention de médiateurs est rarement sollicitée pour des interactions neutres ou superficielles, mais devient cruciale dans des relations marquées par une forte implication affective. La négociation est à la fois un art et une science interdisciplinaire. La littérature est extrêmement riche de ce point de vue. Je me passionne aussi pour l'Histoire. "Plus vous saurez regarder loin dans le passé, plus vous verrez loin dans le futur" disait Churchill et la plupart des négociations des traités de paix sont très riches d'enseignements.

Quel conseil donneriez-vous à un jeune professionnel aspirant à devenir un expert en négociation et gestion de conflits dans le secteur de l'expérience client, particulièrement dans le contexte actuel ?

Je crois qu'il y a trois choses essentielles pour apprendre : le terrain, le terrain et le terrain.
Pour performer, disait Roger Fisher qui a créé le Program On Negotiation de Harvard, il y a aussi trois choses fondamentales : "préparer, préparer, préparer".
Et enfin, je ne résiste pas à conseiller de conserver ces aptitudes essentielles en terme d'état d'esprit, qui sont optimales à cinq ans et ont tendance à s'amenuiser avec le temps : la curiosité (questionner, ne pas accepter un refus sans comprendre pourquoi), la créativité (créer de la valeur, imaginer sans cesse différentes modalités pour s'entendre) et la ténacité (revenir par la fenêtre quand on s'est fait sortir par la porte, tomber sept fois et se relever huit, disent les Japonais)

Pour toute informations : https://alternego.com/ et https://utopies.com/

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